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Droits des femmes : Non, nous ne sommes pas encore libres !

publié le 17 Mars 2025

Chaque année, le 8 mars revient, et avec lui la même question : “Mais pourquoi en parle-t-on encore ? Les femmes ne sont-elles pas déjà libres ?”

écrit par
Audrey Iacometti pour Culture Égalité

Pourquoi le 8 mars est-il encore indispensable ?

À chaque fois, cette question me bouleverse. Comme si le simple fait d’avoir obtenu des droits sur le papier signifiait que l’égalité était devenue une réalité. Comme si nous vivions dans un monde où être une femme ne signifie pas faire face à des discriminations, des violences, des injustices.

Mais nous savons bien toutes que ce n’est pas le cas. Nous le voyons, nous le vivons. Dans nos familles, dans nos cercles d’amies, dans nos carrières, dans notre chair parfois. Les inégalités persistent et elles tuent.

Un monde encore profondément inégalitaire : la précarité, un fardeau encore trop souvent féminin

Regardons autour de nous. Qui sont les premières touchées par la précarité économique ? Ce sont les femmes. Combien jonglent entre un emploi mal payé et des responsabilités familiales écrasantes ? Combien élèvent seules leurs enfants, prises en étau entre un coût de la vie insoutenable et un système qui les dévalorise ?
Être une femme, c’est encore devoir prouver sa valeur au travail, supporter d’être payée moins qu’un homme pour un poste équivalent, voir ses compétences remises en question, être reléguée à des fonctions précaires. C’est être applaudie pour sa “capacité d’adaptation” quand on cumule plusieurs emplois pour survivre, alors qu’en réalité, on s’épuise.

Les violences : un fléau qui ne décroît pas ?

Chaque année, des centaines de femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Des milliers d’autres vivent dans la peur, enfermées dans un cycle infernal de violences psychologiques, physiques, sexuelles. Et que leur répond-on lorsqu’elles trouvent enfin la force de parler ? Trop souvent, c’est elles qu’on tente de culpabiliser : “Pourquoi es-tu restée ? Pourquoi n’as-tu pas porté plainte plus tôt ?”

Et même lorsqu’elles franchissent la porte d’un commissariat, combien se heurtent encore à un accueil froid, suspicieux, décourageant ? Combien voient leur parole minimisée, leur témoignage balayé ? La justice, censée les protéger, devient trop souvent un labyrinthe hostile où les agresseurs bénéficient encore d’une complaisance inquiétante.

À ces violences “traditionnelles” s’ajoutent celles, insidieuses et omniprésentes, du numérique. Aujourd’hui, une femme qui s’exprime publiquement, qui prend position, qui refuse d’être réduite au silence s’expose à un flot de haine. Insultes sexistes, menaces de viol, cyberharcèlement… La parole des femmes dérange encore au point qu’on cherche à la museler par la terreur.

Une charge mentale qui écrase

Nous avons grandi avec l’illusion que nous pouvions “tout avoir” : une carrière épanouissante, une vie de famille harmonieuse, un équilibre personnel. Mais ce que personne ne nous avait dit, c’est que pour y parvenir, il faudrait tout assumer.

Qui doit penser à remplir le frigo, à organiser les rendez-vous médicaux, à suivre la scolarité des enfants, à planifier les vacances, à s’occuper des parents vieillissants ? Qui prend sur soi la gestion du quotidien, même lorsqu’elle travaille autant (sinon plus) que son conjoint ?

La charge mentale reste une prison invisible qui pèse sur les épaules des femmes. Et lorsqu’elles osent dire qu’elles sont épuisées, on leur répond encore : “Mais il fallait choisir, personne ne t’a obligée !”

Pourquoi continuer à se battre ?

Parce que chaque avancée que nous avons obtenue l’a été au prix de luttes acharnées. Rien ne nous a été donné.

Parce que nous savons que nos droits ne sont jamais acquis. Ils peuvent être remis en cause, détricotés, menacés par des discours réactionnaires qui gagnent du terrain.

Parce que nous voulons un monde où nos filles n’auront pas à se battre pour ce qui devrait être une évidence : être respectées, protégées, payées à leur juste valeur.

Le 8 mars n’est pas une fête, ce n’est pas un jour où l’on nous offre des fleurs ou bien un jour où l’on nous souhaite une “bonne journée de la femme”. C’est une journée de lutte, de prise de conscience, de mobilisation.

Nous ne voulons pas un jour par an pour parler de nos droits. Nous voulons que chaque jour compte.

Tant que nous devrons justifier pourquoi nous voulons être traitées en égales, nous continuerons à parler, à dénoncer, à nous battre. Parce que nous le devons à celles qui sont tombées avant nous. Parce que nous le devons à celles qui viendront après.


Et parce que nous le devons à nous-mêmes.

Audrey Iacometti de Culture Égalité